Alain Moreau, Associé chez FBT Avocats SA, Paris
Traditionnellement en France, tous les cinq ans, l’élection présidentielle est l’occasion de vifs et passionnés débats autour de la fiscalité, rapidement traduits en Lois de finances par le vainqueur.
C’est ainsi qu’en 2017, Emmanuel Macron, nouvellement élu, avait abrogé l’impôt de solidarité sur la fortune (remplacé par un impôt sur la seule fortune immobilière) et instauré un régime d’imposition forfaitaire sur les revenus financiers (« flat tax » de 30 %).
La question de la dette « COVID » et de son remboursement sera assurément au cœur des débats de la future élection présidentielle et, par ricochet, la question de la fiscalité française pour la période 2022-2027.
Il n’est pas question ici de spéculer sur les futures mesures fiscales susceptibles d’être adoptées, ni d’anticiper – comme nous avions pu le faire dans un précédent article – sur la mise en place d’une possible « contribution exceptionnelle COVID ». Il s’agit plutôt d’analyser les anticipations susceptibles d’être mises en œuvre d’ici les prochaines échéances électorales afin de profiter de mesures encore favorables qui pourraient être remises en cause.
Nous ne nous attarderons pas sur la question des droits de donation ou de succession. En effet, même s’il existe des débats récurrents autour de leur allègement ou de leur alourdissement, il est aujourd’hui beaucoup trop aléatoire d’anticiper quoi que ce soit sur le sujet, même si l’on ne peut exclure aucune réforme à court terme.
En revanche, une restauration de l’impôt sur la fortune doit déjà être anticipée dans les schémas d’organisation patrimoniale mis en place aujourd’hui. Bien qu’il soit illusoire de prétendre anticiper une imposition future et hypothétique, l’histoire fiscale française a des racines, des grands principes et, l’expérience le montre, se répète souvent. Dans ce contexte, lorsqu’il s’agit en 2021 de structurer un patrimoine de manière pérenne, sécurisée et optimisée, il convient de garder en tête des notions fiscales certes aujourd’hui désuètes, mais qui pourraient très prochainement revenir sur le devant de la scène, comme les notions de « biens professionnels », « plafonnement des revenus », « interposition de sociétés holding », etc. Une telle anticipation doit permettre de ne pas avoir à déconstruire, avec les coûts induits, des structurations planifiées pour le long terme.
La taxation forfaitaire au taux de 30 % (prélèvements sociaux de 17,2 % inclus) sur les produits financiers (dividendes et intérêts) ainsi que sur les gains de cession de valeurs mobilières est, depuis 2018, un véritable avantage pour les investisseurs privés. N’oublions pas qu’antérieurement, ces revenus financiers étaient taxés au même taux que n’importe quel autre revenu, à un taux marginal de 45 %, hors prélèvements sociaux (soit 62,2 % aujourd’hui).
Afin d’anticiper toute modification sur la fiscalité de l’épargne, il peut être conseillé, lorsque cela est possible – notamment au sein de sociétés familiales – des distributions de réserves aux actionnaires, à charge pour eux, le cas échéant, de laisser l’argent dans l’entreprise (compte courant d’associés) afin de ne pas obérer la trésorerie. Des opérations sur le capital peuvent, dans le même sens, permettre d’externaliser des plus-values.
Il faut impérativement que ces opérations interviennent avant le 31 décembre 2021 pour être certain qu’elles bénéficieront du régime actuel d’imposition. En effet, toute opération réalisée début 2022 pourrait être impactée par une réforme votée fin 2022. C’est ce que l’on appelle la « petite rétroactivité », très injuste, mais considérée comme légale par les juridictions françaises.
Enfin, en cas de projet de transfert de domicile à l’étranger, il peut faire sens que la délocalisation intervienne plutôt avant le 31 décembre 2021. En effet, depuis les assouplissements intervenus début 2019, l’« exit tax » sur la fortune mobilière a été réduite de 15 ans à 5 ans (voire 2 ans). Il n’est pas du tout certain qu’un tel assouplissement perdure, comme il n’est pas certain non plus que d’autres mesures restrictives au transfert de résidence ne soient pas instaurées, notamment comme corolaire à de fortes augmentations d’impôts.
Comments