Aux termes de l’arrêt du 13 décembre 2022 (2C_365/2021), le Tribunal fédéral a ratifié la conformité au droit d’une pratique nouvelle, et pour l’heure isolée, de l’Administration cantonale des impôts (ACI) vaudoise aboutissant à imposer en Suisse le patrimoine immobilier français exonéré en France de l’impôt sur la fortune immobilière (IFI).
Les biens immobiliers situés en France sont soumis à l’IFI, indépendamment du lieu de résidence de leurs propriétaires, qui peuvent en conséquence être domiciliés en Suisse et donc être des contribuables suisses.
Lorsque le patrimoine immobilier français est détenu directement par un contribuable suisse (personne physique), la valeur des biens immobiliers français n’est jamais imposable en Suisse au titre de la fortune, mais exclusivement en France.
En revanche, lorsque le patrimoine immobilier français est détenu de manière indirecte par un contribuable suisse, typiquement en tant qu’actionnaire d’une société immobilière, détenant la propriété juridique du bien immobilier français, la nature « immobilière » du patrimoine est reléguée au second plan, ce qui autorise la Suisse à fiscaliser ce patrimoine.
Le Tribunal fédéral vient précisément d’avaliser pour la première fois le droit pour l’ACI de taxer une contribuable vaudoise en lien avec un patrimoine immobilier français, détenu par le biais d’une société civile immobilière (SCI) de droit français, dans la mesure où la valeur des deux immeubles en France était inférieure au seuil de l’IFI (EUR 1,3 million).
Le Tribunal fédéral a considéré que si ce patrimoine échappait à toute fiscalisation en France au titre de la fortune, le droit suisse permettait une imposition en Suisse des actions de la société française, à hauteur de la valeur du patrimoine immobilier sous-jacent.
Ainsi, alors que ce patrimoine est exonéré de l’IFI en France, le Tribunal fédéral vient d’ouvrir la porte à une fiscalisation en Suisse de cet actif patrimonial.
Cette nouvelle approche aboutit à rendre la détention directe plus avantageuse fiscalement pour les « petits » propriétaires d’immobilier en France.
En effet, tout risque d’imposition est paralysé par une impossibilité juridique de taxation en Suisse, par l’effet de l’article 24 § 1 de la Convention de double imposition franco-suisse, lequel interdit à la Suisse de prélever des impôts sur un bien immobilier sis en France.
En revanche, si les biens immobiliers sont détenus via une personne morale, l’immobilier court désormais le risque d’être « converti » en valeurs mobilières (les parts de la société reflétant l’actif immobilier sous-jacent) pour l’objet de la taxation, valeurs mobilières qui sont imposables en Suisse dans la mesure où le patrimoine qu’elles représentent n’a pas été fiscalisé en France, en raison de l’exonération de l’IFI.
Le développement jurisprudentiel intervenu en fin d’année 2022 devrait inciter les contribuables suisses détenteurs d’un patrimoine immobilier français d’une valeur inférieure à EUR 1,3 million à restructurer leur patrimoine en vue de le détenir directement, en leur propre nom, et non plus au travers d’une personne morale intermédiaire.
Les implications fiscales d’une liquidation de société immobilière étant toutefois nombreuses et complexes, particulièrement dans un contexte transnational, le résultat final de l’opération pourrait in fine être négatif dès lors que la surimposition au titre du revenu dérivant de la déstructuration pourrait potentiellement se révéler trop importante comparativement à l’économie fiscale réalisée au titre de l’impôt sur la fortune.
Les experts en fiscalité transfrontalière franco-suisse de l’Etude FBT Avocats SA, basée à Genève et Paris, se tiennent dans ce contexte à disposition de toute personne intéressée.
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