Maryna Viazovska est lauréate du prestigieux prix, considéré comme le Prix Nobel des mathématiques. Il récompense son travail sur les empilements de sphères dans les dimensions 8 et 24, alors qu’avant ses recherches, aucune démonstration ne permettait de dépasser les 3 dimensions. Une autre Médaille Fields revient à Hugo Duminil-Copin, professeur à l’Université de Genève.
A 37 ans, Maryna Viazovska, titulaire de la Chaire d’arithmétique à l’EPFL, décroche la récompense suprême : la Médaille Fields est souvent considérée comme le Prix Nobel des mathématiques (discipline que l’Académie suédoise ne prime pas). Maryna Viazovska, après Maryam Mirzakhani en 2014, est la deuxième femme à recevoir la prestigieuse distinction sur plus de 60 mathématiciens récompensés à ce jour. La Médaille, créée en 1936, est décernée tous les quatre ans à des mathématiciens de moins de 40 ans. La distinction est remise à Maryna Viazovska lors du Congrès international de mathématiques qui s’ouvre aujourd’hui à Helsinki.
La Médaille Fields récompense la résolution par la jeune professeure, spécialiste de la théorie des nombres, du problème de l’empilement des sphères dans les dimensions 8 et 24. La question de l’empilement optimal de sphères avec un minimum de vide entre elles – tel que dans une pyramide d’oranges – occupe les mathématiciens depuis déjà plus de quatre siècles. C’est en 1611 précisément que Johannes Kepler a suggéré, sans toutefois le prouver, que dans un espace en trois dimensions, c’est la forme pyramidale qui est optimale. Ce n’est toutefois qu’en 1998 que la preuve mathématique a pu en être donnée.
Il était temps de passer aux autres dimensions. «La difficulté est que si le problème est formulé de la même façon, chaque dimension est différente et les solutions optimales dépendent beaucoup de la dimension», avance la mathématicienne. Pourquoi s’intéresser aux dimensions 8 et 24 ? «Parce que les solutions y sont particulièrement belles et que ce sont des dimensions spéciales», répond la chercheuse. Les empilements de sphères s’y font de façon remarquablement symétrique, suivant des réseaux respectivement appelés réseau E8 et réseau de Leech. Il y a plus de dix ans, les travaux de Henry Cohn (MIT / Microsoft Research) et Noam Elkies (Harvard) avaient établi que ces empilements étaient proches de la perfection (au milliardième de pour cent près) mais sans pouvoir le prouver de manière définitive. Ce que fera Maryna Viazovska en démontrant de manière magistrale que les empilements le long de ces deux réseaux atteignaient la perfection.
«Mais comment le prouver?» s’est naturellement interrogée Maryna Viazovska. Sa démonstration présuppose l’existence d’une fonction auxiliaire capable de donner la réponse exacte correspondant aux densités de E8 et du réseau de Leech. Pour construire cette fonction, la jeune chercheuse procède en puisant dans d’autres domaines mathématiques, ce qui fait selon les spécialistes toute l’originalité et la beauté de sa démonstration. En effet, suivant sa créativité et son intuition, elle a été chercher l’aide des «formes modulaires», le sujet de sa thèse. Les formes modulaires sont des fonctions mathématiques qui possèdent des symétries particulières. Après deux ans d’efforts, elle a découvert la bonne fonction.
Optimalité universelle
Ses travaux sont présentés en mars 2016 : la démonstration prend 23 pages, parfaitement limpides pour les arithméticiens. Dans la foulée, Henry Cohn la félicite et lui suggère d’étendre la méthode à la dimension 24. Une semaine plus tard, Maryna Viazovska, Henry Cohn et deux autres collègues mettent en ligne un théorème démontrant la perfection de l’empilement issu du réseau de Leech pour un univers de dimension 24, confirmant ainsi la profondeur de son idée initiale en dimension 8.
Cette démonstration suscite une vague d’enthousiasme dans la communauté mathématique et lui vaut plusieurs distinctions prestigieuses.
Aujourd’hui, la professeure travaille toujours sur les dimensions 8 et 24, approfondissant la question de l’empilement des sphères. Comme elle le dit elle-même, «ces configurations apparaissent dans d’autres problèmes d’optimisation. Il semble qu’on ne les y retrouve pas seulement pour empiler des sphères, mais en matière de dépense d’énergie par exemple. Ce qui est une situation assez inhabituelle.» Elle vient justement de démontrer que E8 et le réseau de Leech ont une propriété «d’optimalité universelle»: ce sont les meilleures configurations possibles pour un ensemble continu de problèmes naturels. On sait depuis longtemps que la question de l’empilement des sphères joue un rôle clef dans la théorie de l’information et des codes correcteurs d’erreur. Par ses nouveaux développements, la recherche de Maryna Viazovska pourrait un jour aider à résoudre de nombreux autres problèmes du quotidien.
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