Le Tribunal fédéral s’est récemment prononcé dans une affaire qui étend le champ des possibles, s’agissant de l’utilisation de courriels privés comme moyen de preuve par l’employeur (arrêt 4A_633/2020 du 24 juin 2021).
Après avoir engagé une collaboratrice, une société de courtage doit faire face à un litige relatif à une commission. L’actionnaire fondateur de la société prétend qu’il a droit à 40% de la commission, ce qui est contesté par l’employée concernée. Celle-ci résilie alors tous les contrats conclus tant avec la société qu’avec l’actionnaire.
S’ensuit une procédure devant les tribunaux zurichois, procédure durant laquelle l’actionnaire produit un courriel envoyé par l’employée à son avocat depuis l’adresse professionnelle de la société. Dans ce courriel, elle admet l’existence d’un accord avec l’actionnaire fondateur, accord au terme duquel l’actionnaire fondateur a droit à 40% des commissions.
Le Tribunal de première instance refuse de considérer ce moyen de preuve au motif qu’il aurait été obtenu de manière illicite. L’actionnaire y aurait, selon le tribunal, eu accès en recourant à un expert informatique, alors même que la boîte email était protégée par un mot de passe. Dans ces circonstances, la sphère privée devrait prévaloir.
Suite à un appel, le Tribunal supérieur renverse ce jugement en retenant que le courriel litigieux se trouvait dans un dossier professionnel et pas privé. Aucune indication d’un caractère privé ou personnel ne permettait au demeurant à l’employeur de savoir qu’il ne devait pas y accéder. La version retenue par le Tribunal est celle d’une conservation de la correspondance électronique professionnelle de l’employée suite à son départ.
Cette collaboratrice recourt alors au Tribunal fédéral qui lui donne tort. L’obligation de loyauté permet d’avoir accès à la correspondance électronique professionnelle d’un employé, même après la fin des rapports de travail et ce, même lorsque l’accès est protégé par un mot de passe. Cette protection est en effet destinée à empêcher l’accès à des personnes non autorisées et pas l’accès par l’employeur. C’est lors d’une recherche effectuée dans le cadre du litige que l’employeur est tombé par hasard sur le courriel objet du litige. Il faut distinguer un tel cas de celui où l’employeur aurait accédé courriels figurant dans un dossier privé protégé par un mot de passe, dans le but d’utiliser ces moyens de preuve en procédure.
Pour l’employé, cet arrêt signifie qu’il faut absolument indiquer lorsqu’un courriel est privé dans le champ objet et/ ou les déposer dans un dossier privé. Les logiciels de messagerie actuels facilitent cette démarche qui est en réalité anodine. Quant à l’employeur, il lui incombe de rappeler dans un règlement interne qu’il dispose de ce droit et d’expliciter quelles en sont les conditions d’exercice.
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