Après plus de vingt années à fréquenter les tribunaux aux quatre coins de ce pays et d’ailleurs, il est possible de mettre en exergue de singulières discrépances. Peut-être l’ignorez-vous, mais dans certains pays, en cas de séparation, les couples peuvent opérer en ligne un calcul des contributions d’entretien qui sont dues, qu’il s’agisse du conjoint ou des enfants. Je vois déjà les avocats spécialistes du droit de la famille et certains magistrats m’objecter que chaque situation est unique et qu’elle nécessite une analyse fine. Certes. Il n’en demeure pas moins qu’un premier calcul objectif rendu possible par une autorité indépendante (comme l’Office fédéral de la justice) fait cruellement défaut dans notre pays. Ce calcul permettrait d’initier un processus d’échanges et surtout de cadrer le débat dans des proportions raisonnables et raisonnées. Exit la rancœur et les guerres picrocholines, voici venu le temps de la prévisibilité et de la transparence. Exit également les calculs savants opérés par le Tribunal fédéral, calculs qui nécessiteront bientôt d’avoir suivi une formation de polytechnicien, tant et si bien qu’aucun avocat sérieux ne peut correctement orienter ses clients sur les chances et les risques du procès. Les litiges les plus acrimonieux relèvent du droit de la famille et il serait de ce point de vue salutaire d’utiliser tous les outils que les technologies nous offrent pour faire prospérer l’apaisement.
Le Conseil d’État français a validé cette semaine un algorithme d’évaluation des préjudices corporels. Ses détracteurs y voyaient les prémisses d’une justice prédictive. On définit ainsi un ensemble d’instruments développés grâce à l’analyse de grandes masses de données de justice qui proposent, notamment à partir d’un calcul de probabilités, de prévoir autant qu’il est possible l’issue d’un litige. L’idée suivie avec cet algorithme est de permettre aux justiciables de permettre d’estimer le montant d’une éventuelle indemnisation pour dommages corporels avant d’initier une procédure. L’algorithme intègre de multiples données, soit la nature des préjudices subis, la situation financière, professionnelle et familiale des victimes, de même que les avis médicaux.
Ces outils sont à ce stade imparfait et leur développement nécessite une transparence totale pour permettre notamment de vérifier le respect des droits des personnes concernées. Le débat à leur sujet sera vif et protéiforme, ce qui est réjouissant. Il n’en demeure pas moins que pour des problèmes juridiques assez simples à résoudre, respectivement pour des délits de masse, une solution fiable et économique pourrait être développée : pour les violations de la loi sur la circulation routière, la consommation de stupéfiants, le calcul des montants saisissables, celui des parts successorales, l’établissement des indemnités pour tort moral… Le Valais qui dispose d’instituts de recherche de pointe en matière d’intelligence artificielle notamment pourrait parfaitement développer de tes outils-métier qui visent à décharger les tribunaux des tâches répétitives et rébarbatives.
Qui osera se lancer dans un défi qui permettra assurément de pallier un tant soit peu à un manque criant de moyens de notre justice ?
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