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Les rendements ajustés au risque ayant un impact positif sont-ils envisageables et réalisables ?


La couverture médiatique continue sur le greenwashing a suscité un grand scepticisme à l’égard de l’investissement durable ou à impact. Dans son édition spéciale du mois de juin, The Economist a proposé « Exaggerated Superficial Guff » comme explication de l’acronyme « ESG », en prévenant que ces trois lettres « ne sauveront pas la planète ». Il est allé encore plus loin en qualifiant l’investissement durable de « woke capitalism » poussant les investisseurs à se tourner vers des rendements inférieurs. La polémique faisant couler beaucoup d’encre, le moment est venu de réétudier la question suivante : « Les rendements ajustés au risque ayant un impact positif sont-ils envisageables et réalisables ? »


Un contexte évoluant


Au cours des trois dernières décennies, le contexte du capitalisme a été façonné par une reconnaissance approfondie de l’interconnexion entre les systèmes biophysiques, sociaux et de marché. Cette approche systémique repose sur le consensus scientifique mondial, la nécessité sociale et la réalité économique. Après la crise financière mondiale, le Conseil de stabilité financière (CSF) a notamment été créé afin d’évaluer à la fois le risque endogène de marché (c’est-à-dire les risques qui émanent de l'intérieur des marchés, comme la crise des subprimes) et le risque exogène de marché (c’est-à-dire le risque provenant de l’extérieur du marché, comme le changement climatique). L’ampleur du risque climatique a conduit le CSF à superviser la publication de la Task Force on Climate-Related[1] Financial Disclosures et a appelé à des stress tests climatiques par les grandes banques centrales et les banques d’importance systémique[2]. Alors que le concept de risque exogène est devenu plus largement compris, les régulateurs de marché ont pris des mesures pour encourager le système de marché à s’attaquer de manière proactive aux risques à long terme pesant sur le développement durable. Par exemple, la taxonomie de l’économie verte de l’UE[3] définit quelles activités économiques correspondent à des résultats à faibles émissions de carbone, économes en ressources et socialement inclusifs. Afin d’accroître cette correspondance, l’UE a adopté des normes de reporting[4] sur le développement durable des entreprises (CSRD), des normes de divulgation des attributs de durabilité des produits financiers [5] (SFRD) et s’assure, via la directive Mifid II, que les préférences et les risques des clients en matière de durabilité sont utilisés comme base pour garantir l’adéquation des produits[6].


Pour les dirigeants d’entreprise, ce contexte changeant signifie que le maintien de la compétitivité nécessitera une gestion efficace du capital humain, des contrôles efficaces de la pollution, une économie de ressources, et des produits et services qui abordent les questions sociales/écologiques. Pour les sociétés cotées en bourse, les exigences en matière de publications d’informations sur la durabilité ont augmenté sur toutes les principales places boursières, les investisseurs reconnaissant que les mauvaises pratiques environnementales, sociales et de gouvernance peuvent peser sur les rendements.


D’un point de vue rationnel, le contexte actuel du capitalisme oblige les investisseurs à se demander si leur portefeuille est bien positionné par rapport aux risques à long terme liés à la stabilité du système social et écologique. Étudier un portefeuille « sous l’angle du développement durable » est simplement une bonne pratique d’investissement et répond aux objectifs de préservation du capital et de croissance.


À mesure que la transition vers une « économie verte » se concrétisera, des gagnants et des perdants vont se révéler dans toutes les régions, tous les secteurs et toutes les classes d’actifs. Il serait erroné de penser que tous les investissements « verts » ou impactants généreront des rendements ajustés au risque appropriés. Ainsi, même s’il peut être souhaitable de se concentrer sur les résultats à impact, la réussite dans ce contexte évoluant nécessitera une approche nuancée.


Une réponse tactique


La croissance rapide de l’échelle et de la disponibilité des données ESG/à impact et de développement durable pousse le marché à mieux comprendre les compromis entre risque, rendement et impact. L’impact peut être compris comme la réduction des dommages (p. ex. la réduction de la pollution) et comme les contributions positives nettes des biens et services (p.ex. l’accès à des médicaments génériques dans les marchés émergents).


Concrètement, il est logique que les investisseurs envisagent la transition de leurs portefeuilles de manière à permettre la comparaison des résultats de risque/rendement, avec un résultat d’impact potentiellement amélioré. Cela impliquera des compromis à faire entre les classes d’actifs, les secteurs et les expositions géographiques au fil du temps. Par exemple, les marchés publics offrent de la liquidité et de l’ampleur, mais moins d’impact direct, tandis que les marchés privés offrent un impact réel sur le monde, mais sont limités en matière de déploiement du capital et de liquidité. D’un point de vue géographique, l’exposition aux marchés émergents est considérée comme offrant des niveaux d’impact plus élevés par unité de rendement qu’une allocation sectorielle semblable sur les marchés développés.


Il s’agit d’un secteur en évolution, porté par la nécessité scientifique, l’évolution des politiques, le changement de perception des consommateurs et la compétitivité économique. Il serait faux de la considérer comme une tendance à la mode dont le temps est révolu. Le risque de greenwashing existe. Toutefois, la transition « verte » à long terme est en cours, et adapter les portefeuilles des investisseurs aux résultats en matière de risque, de rendement et d’impact est à la fois envisageable et réalisable.



Jon Duncan, Chief Impact Officer chez Banque Reyl

[1] Task Force on Climate-related Financial Disclosures | TCFD) (fsb-tcfd.org) [2] Tests d’alignement des objectifs climatiques (admin.ch) [3] Taxonomie de l’UE pour les activités durables | Commission européenne (europa.eu) [4] Reporting sur le développement durable des entreprises | Commission européenne (europa.eu) [5] Publication d’informations en matière de durabilité dans le secteur des services financiers | Commission européenne (europa.eu) [6] Finance durable - obligation pour les fonds d’investissement de conseiller les clients sur les aspects sociaux et environnementaux (europa.eu)






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